Le scénario a quelque chose de cruel, presque injuste pour un pays habitué aux grands rendez-vous mondiaux. Jeudi 13 novembre, au stade El Barid de Rabat, le Cameroun domine par séquences, se procure les occasions les plus nettes, mais finit par céder dans les arrêts de jeu face à une RD Congo patiente et réaliste. À la 90e+1 minute, sur un corner botté par Brian Cipenga, Chancel Mbemba surgit au second poteau et crucifie André Onana d’une reprise qui envoie les Léopards en finale des barrages africains (0-1). Dimanche, ce sera Nigeria–RDC pour le dernier ticket de la CAF vers le barrage intercontinental, pendant que les Lions Indomptables, eux, réalisent qu’ils ne verront pas la Coupe du monde 2026.
Dans les vestiaires et dans tout le pays, le sentiment dominant est celui d’un immense gâchis. Bryan Mbeumo a manqué l’occasion de faire basculer le match, tout comme Karl Etta Eyong ou encore Ngamaleu, incapables de concrétiser les temps forts camerounais. La presse locale parle d’« attaque muette », de « réalisme absent » et d’une équipe « partie la tête basse » après avoir buté sur une défense congolaise de fer et sur un Mbemba décisif dans ses deux surfaces. Dans les rues comme sur les réseaux sociaux, la colère vise tout le monde : Samuel Eto’o, accusé de plomber la sérénité de la sélection, le sélectionneur belge Marc Brys, jugé trop frileux ou trop hésitant dans ses changements, mais aussi les cadres de l’équipe, pointés du doigt pour n’avoir pas assumé leur statut lors du match le plus important du cycle.
Au-delà de la seule défaite, c’est tout un climat délétère qui éclate au grand jour. Dans un entretien sans concession, l’ancien gardien Joseph-Antoine Bell estime que cette élimination était « à prévoir », rappelant les problèmes d’équipement, de déplacements, la guerre ouverte entre la FECAFOOT et le ministère des Sports, les menaces de suspension pesant récemment sur certains joueurs et l’existence de deux staffs techniques rivaux. Pour lui, les Lions sont arrivés à Rabat en devant « jouer un match sur le terrain et un autre en interne », dans un contexte où rien n’est fait pour protéger le travail du sélectionneur et la concentration des joueurs. À un peu plus d’un mois de la CAN organisée au Maroc, le chantier est immense : restaurer la confiance, clarifier la gouvernance autour de la sélection et redonner à cette équipe un cap lisible. L’élimination face à la RD Congo restera comme une blessure profonde ; elle peut être le point de rupture définitif… ou le début d’une reconstruction, si le Cameroun accepte enfin de regarder en face ses propres responsabilités.